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Les Inuits prennent le contrôle de leur énergie renouvelable

Les Inuits du Québec entament la création de leur propre entreprise qui pourrait prendre en charge toute la production de l’énergie renouvelable du nord du Québec.

Les Inuits du Québec entament la création de leur propre entreprise qui pourrait prendre en charge toute la production de l’énergie renouvelable du nord du Québec.

Ils espèrent ultimement que cette entreprise, qui portera temporairement le nom de PowerCo, vende sa production énergétique à Hydro-Québec. La société d’État pourrait ainsi alimenter les communautés au nord du 55e parallèle avec cette énergie renouvelable, ces communautés étant actuellement alimentées entièrement au diesel.

C’est la Société Makivik et la Fédération des coopératives du Nouveau-Québec (FCNQ) qui s’allient pour créer PowerCo. Makivik est le représentant des Inuits du Québec responsable d’administrer l’indemnité pécuniaire destinée aux Inuits depuis la signature de la Convention de la Baie-James. Elle possède des filiales opérant dans différents secteurs, dont le transporteur Air Inuit. La FCNQ administre quant à elle les magasins de vente au détail dans les 14 communautés du nord, et possède également une filiale pétrolière qui fournit tout le diesel pour le Nunavik à Hydro-Québec.

La semaine dernière, Le Huffington Post Québec était à Ivujivik, le village le plus au nord du Québec, lorsque les dirigeants ont signé une entente de coentreprise (joint venture) permettant la création de PowerCo.

Signature pour la création de PowerCo, à Ivujivik, au Nunavik (février 2017)

Alors que plusieurs entreprises flairent la bonne affaire et commencent déjà à approcher les dirigeants du nord pour l’exploitation de l’énergie renouvelable dans la région, les Inuits souhaitent prendre eux-mêmes les choses en main.

«Ça se voit trop souvent dans le nord : des compagnies qui prennent 80% des profits et nous offrent les 20% restants. Ce n’est pas le scénario que nous voulons. Nous avons un fort taux de personnes sans emploi, et un fort taux de pauvreté. On doit aller de l’avant pour que l’argent aille dans les poches des Inuits et non dans le sud de la province. » - Jobie Tukkiapik, président de Makivik.

Quarante ans après la signature de la Convention de la Baie-James, les profits de PowerCo seraient ainsi réinvestis dans la communauté et pourraient permettre de faire baisser le prix élevé des produits de consommation tout en créant de l’emploi, suggère M.Tukkiapik.

Les dirigeants de PowerCo n’ont pas encore établi quelles sources d’énergies renouvelables (éolien, solaire, hydroélectrique) seraient plus appropriées ni dans quelles régions, mais comptent réaliser des études sur le sujet.

«Toutes les régions doivent être étudiées en détail, précise Jobie Tukkiapik. Mais quoi qu’il en soit, on doit aller dans cette direction, sinon, quelqu’un d’autre viendra et prendra le contrôle de tout le territoire.»

Entente avec Hydro-Québec?

Il faut également voir si une entente est possible avec Hydro-Québec, l’unique revendeur d’électricité de la province. Hydro-Québec confirme, par la voix de son porte-parole Marc-Antoine Pouliot, que des discussions sont entamées avec les deux organismes gestionnaires de PowerCo sur la question.

«Nous sommes heureux que Makivik s’intéresse à la production d’énergie renouvelable qui s’inscrit dans nos grandes orientations» - Marc-Antoine Pouliot, porte-parole d’Hydro-Québec

Hydro-Québec souhaite en effet, dans sa politique énergétique, réduire de 40% la quantité de produits pétroliers consommés d'ici 2030 au Québec, ce qui inclut l'électricité produite à partir d'hydrocarbures. Elle souhaite également réduire les coûts de production de ses réseaux éloignés.

Les 14 communautés du nord du Québec sont actuellement alimentées à 100% en électricité issue du diesel. Une méthode qui est non seulement polluante, mais également très coûteuse à produire pour Hydro-Québec.

La production actuelle dans les 22 réseaux autonomes d’Hydro-Québec fonctionnant au diesel (qui incluent les 14 communautés du nord) crée en effet un manque à gagner de 200M$ chaque année à la société d’État (épongé par les tarifs).

Hydro-Québec est d’ailleurs déjà prête à lancer des appels de propositions au secteur privé pour graduellement convertir ces réseaux autonomes en installation de production d’énergie renouvelable. Un calendrier prévoyant les étapes de conversion de ses réseaux autonomes a déjà été produit et prévoit des démarches dès 2017.

Contrats assurés?

Est-ce assuré que PowerCo obtiendra ces contrats dans le nord du Québec? Hydro-Québec souhaite conserver une saine compétition dans le processus et tient à procéder par appel de propositions, mentionne M.Pouliot.

Toutefois, les Inuits espèrent reproduire le modèle établi aux Îles-de-la-Madeleine, où un parc éolien est en construction. Hydro-Québec, dans son appel de propositions au secteur privé pour la gestion du parc, y a établi que «le soumissionnaire retenu devra conclure une entente de partenariat avec la Régie intermunicipale de l’énergie Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine». Cette dernière, qui représente des municipalités de la région, a pour mission d'augmenter les retombées économiques liées à l'exploitation de l’éolien.

«Ça fait partie des possibilités [un tel modèle avec PowerCo], confirme Marc-Antoine Pouliot, d’Hydro-Québec. Nous sommes en train d’en discuter. C’est clairement envisageable.»

M.Pouliot soutient que l’entente entre la société d’État et PowerCo sera conclue avant le lancement des appels de propositions prévu cette année. Il ajoute que la conversion des réseaux doit se faire «en partenariat avec les communautés» et en fonction de la fin de vie utile des installations actuelles.

Calendrier de conversion des réseaux autonomes (fonctionnant au diesel) d’Hydro-Québec

Lancement des appels de propositions :

2016 : Kuujjuarapik, Tasiujaq, Obedjiwan

2017 : Kangiqsujuaq, La Romaine, Salluit, Umiujaq

2018 : Inukjuak, Kangiqsualujjuaq, Kuujjuaq, Puvirnituq

2019 : Îles-de-la-Madeleine, Akulivik, Ivujivik, Kangirsuk, Port-Menier

2020 : L’Île-d’Entrée, Quaqtaq, Clova, Aupaluk

Note: Le voyage vers Ivujivik a été organisé et payé par la Société Makivik.

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