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Ma lente acceptation du niqab et du burkini

Si, effectivement, certaines femmes sont réellement oppressées par le port d'un vêtement religieux, nous ne pouvons qu'éduquer.
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Cela fait près d'un an que j'aurais pu écrire ce texte, mais la récente controverse insensée sur le burkini dans le sud de la France me pousse à le produire maintenant. Qui se rappelle du débat canadien sur le niqab durant l'automne 2015 lors des élections fédérales? Plus personne, n'est-ce pas? Tout mon questionnement a débuté avec ce débat de l'an passé.

Le honteux intolérant que j'étais

Comme tout bon Québécois de souche (pour peu que l'expression de souche ait encore un sens dans une histoire généalogique québécoise où les Amérindiens n'y figurent pas parce que les prêtres de l'époque ont allégrement biffé ces nombreuses liaisons illégitimes) aimant les consensus de la majorité gros bon sens, je considérais tous ces tissus ostentatoires (hijab, niqab, burqa) comme un affront aux femmes, à la société moderne, à la raison et à la laïcité. Enlevez-nous ça de l'espace public, ça presse.

Et pourtant, je ressentais un certain malaise de ma prise de position intransigeante, malaise qui provenait de ma confrontation de ces idées - partagées encore aujourd'hui par les plus grands chroniqueurs de droite (Richard Martineau et Mathieu Bock-Côté entre autres) - avec le monde anglo-saxon. Je parle du Canada anglais, de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Dans ces pays, le débat sur les vêtements portés par certaines femmes arabes revêt (sans jeu de mots) une toute autre dimension. Dans un grand effort de tolérance, ils n'y voient pas de menaces à l'Occident ni à la condition des femmes musulmanes.

Alors comment se fait-il que la francophonie occidentale parte en croisade pour la laïcité forcée et que le monde anglo-saxon démontre acceptation et ouverture d'esprit. Serait-ce que j'étais dans le tort, serait-ce que la francophonie va trop loin dans un certain fascisme laïque? Aujourd'hui je crois que oui et ce constat provient pourtant d'un athée extrême qui prône la disparition des religions.

Des définitions pour commencer

Le hijab. C'est le voile qui couvre la tête seulement, un vêtement qu'il est facile d'apercevoir partout à Montréal dans les quartiers ethniques. Le visage est complètement découvert. Il est appelé «voile islamique».

Le niqab. Un cran plus sévère que le hijab, le niqab est le voile qui recouvre complètement le visage à l'exception d'une fente sur les yeux. Certes, un tel vêtement est un défi quand il s'agit d'identification de personne. J'en ai probablement croisé sur la rue sans en tenir compte.

La burqa. Toujours un cran de plus, la burqa est un vêtement qui cache complètement le corps de la femme. À la place d'une fente pour les yeux se trouve une grille. Une seule fois dans ma vie, je fus confronté de visu à une burqa et je dois avouer que j'en suis sorti impressionné. Pas par l'exploitation de la femme, mais plutôt je me sentais vulnérable en présence d'un char d'assaut.

Le burkini. Ce vêtement de plage qui titille les médias récemment au plus grand bonheur des éditeurs se cherchant un os musulman à ronger, le burkini est le compromis que les musulmanes pratiquantes ont adopté pour jouir de la baignade tout en conservant leurs préceptes religieux restrictifs. Il s'agit d'un vêtement qui recouvre pratiquement tout le corps et est en quelque sorte un hijab pour l'eau. On peut se rappeler les maillots de bain occidentaux des années '20 pour comparer.

La nature du débat

Tout le débat tourne autour de l'ascendant d'une religion sur le corps de la femme. S'il ne s'agissait pas d'un vêtement religieux, on n'en ferait pas de cas. Or, c'est une dimension qu'on oublie, selon moi, que ce signe religieux est aussi un vêtement fonctionnel. Ce n'est pas seulement un bijou facile à enlever, c'est le vêtement que ces femmes décident de porter. Mais justement, on prétend qu'elles ne le décident pas vraiment. Pourtant certaines d'entre elles disent que oui, c'est leur choix. Qui croire?

Même chez les féministes, il y a débat. D'un côté, certaines s'offusquent qu'une religion patriarcale dicte ce qu'une femme doit porter. De l'autre, on soutient que de forcer les femmes à ne pas porter un vêtement est aussi répréhensible que de les forcer à en porter un. Mais qui a raison? C'est devant ces arguments contradictoires que j'étais confronté il y a un an au moment des élections fédérales.

«Si, effectivement, certaines femmes sont réellement oppressées par le port d'un vêtement religieux, nous ne pouvons qu'éduquer.»

Ma nouvelle prise de position en 2016

Étant athée radical, je n'ai pas beaucoup de sympathie pour l'Islam (ni même pour la Chrétienté). Toutes ces chicanes se régleraient bien rapidement, selon moi, si les religions n'existaient plus (en laissant une spiritualité à chaque personne, dans l'espace privé). Mais nous n'en sommes pas là. Alors que décider pour ces femmes voilées?

J'ai penché du côté anglo-saxon et me suis éloigné du gros bon sens québécois (pas toujours bon sens) quand j'ai entendu une ex-juge au fédéral sur la question. Son raisonnement est le suivant: nous n'avons pas à sauver ces femmes d'une supposée exploitation de leurs corps, encore moins les sauver en les forçant à adopter notre mode de vie occidental. On parle ici de respect des cultures. Et juger qu'une culture est rétrograde par rapport à la sienne est une vision très égocentrique des différentes cultures qui parsèment notre planète.

Si, effectivement, certaines femmes sont réellement oppressées par le port d'un vêtement religieux, nous ne pouvons qu'éduquer. Éduquer les hommes qui les oppressent, éduquer les femmes pour qu'elles s'approprient un choix éclairé, leur choix. Surtout pas d'interdire le port dudit vêtement. Il faut éduquer, éduquer, éduquer. Le changement doit provenir des femmes musulmanes.

Paradoxalement, l'athée humaniste en moi, doit accepter les religions (pendant qu'elles existent encore). Je dois avouer que c'est un débat où il est facile de balancer d'un bord comme de l'autre. C'est aussi un débat qui demande à être beaucoup plus nuancé que ce qu'il nous est commun de vivre. Contrairement à certains chroniqueurs de la droite qui s'enfoncent de plus en plus dans l'intolérance, le fascisme et un début de racisme.

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